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Dans mes deux articles précédents (ici et ), j’ai laissé entendre que mon expérience de magasinage et d’achat d’une voiture neuve n’était peut-être pas, disons-le, optimale. Tout s’est relativement bien passé et ma conjointe et moi sommes sortis heureux du concessionnaire lundi dernier. En plus du qualificatif « heureux », je devrais peut-être ajouter celui de « soulagés », dans le sens de quelqu’un qui sort de chez le dentiste ou d’un examen médical.

Après l’excitation (très éphémère, croyez-moi) causée par l’acquisition d’un « char neuf » comme on disait jadis, les questions plus pratiques nous reviennent à l’esprit et, métier oblige, on se met à évaluer l’expérience vécue. Je vais essayer de résumer le tout ci-dessous, tout en étant conscient que je pourrais écrire des pages et des pages. J’ai divisé mon analyse en trois « thèmes » qui peuvent également s’appliquer au médias interactifs.

Gentillesse et enthousiasme

Il va de soi que les conseillers aux ventes se montrent très gentils avec vous quand vous magasinez et achetez une voiture chez eux. Pourtant, dans certains cas, trop de gentillesse, c’est comme pas assez. Par exemple, notre conseiller semblait compenser son inexpérience (à peine un mois dans le métier) par une gentillesse extrême qui est même devenue un peu comique quand il nous a affirmé avec enthousiasme (je paraphrase): « pour moi, ma clientèle, c’est sacré. Je fais tout pour elle. » Venant d’un vendeur avec un mois d’expérience, ces propos manquaient singulièrement de crédibilité.

Leçon XU à retenir? La gentillesse et l’enthousiasme, c’est bien beau, mais dans certaines conditions, ça nuit énormément à la crédibilité et ça sème le doute dans l’esprit de l’acheteur. Dans le cas d’un site Web, la gentillesse et l’enthousiasme transparaissent beaucoup moins, mais ça peut plutôt se déceler dans l’amateurisme de la rédaction et de la réalisation. Des textes mal écrits, bourrés de fautes et un design graphique douteux viennent potentiellement révéler un manque d’expérience, souvent doublé d’un enthousiasme pas très contagieux… Il faut éviter des formules du genre « jeunes et dynamiques », « en pleine expansion », etc. C’est sympatique, mais ça n’aide pas vraiment votre cause.

Contradictions et demi-vérités

Deux exemples précis.

1- Le directeur des ventes vous affirme que si on achète chez lui, il va personnellement s’occuper de vous et vous prêter une voiture de courtoisie en cas de pépin, quitte à en prendre une parmi ses voitures de location. Le lendemain, à la signature du contrat, tout autre discours de la part de la directrice commerciale. En essayant de nous vendre une police d’assurance dite de remplacement (valeur à neuf), elle nous vantait le privilège qu’on aurait de profiter en priorité d’une voiture de courtoisie, en nous disant qu’il n’y en avait jamais plus de deux ou trois de disponible, et que la priorité irait à ceux qui ont souscrit à l’assurance. Autrement dit, les pauvres ploucs qui ne déboursent pas 1500$ pour une assurance n’avaient qu’à faire du pouce! Pourtant, la veille, on avait eu droit à un tout autre discours. Pas très crédible.

2- Lors de la même rencontre avec la directrice commerciale, elle laisse entendre que les concessionnaires conservent des voitures de l’année précédente « dans le fond de la cour » car les compagnies d’assurances vont exiger que le concessionnaire remplace votre voiture par une équivalente la moins récente. Donc, si vous « scrappez » votre beau modèle 2008, l’assurance va la remplacer par l’équivalente la moins chère disponible, soit une 2009 qui « traîne depuis des mois fond de la cour » même si la 2010 est déjà sortie et disponible. Elle nous dit ça alors qu’on vient justement d’acheter une 2009  qui « traîne depuis des mois fond de la cour ». Pas très agréable d’avoir l’impression (même si ce n’est pas vrai) qu’on vient d’acheter un vieux restant au moment de signer le contrat de vente!

Leçon XU à retenir? Dans votre entreprise ou organisme, veillez à ce que la main droite sache ce que la main gauche est en train de faire… N’utilisez pas le même argument de façon contradictoire en vous adressant aux mêmes personnes. Non seulement ce n’est pas très professionnel, mais l’ayant vécu personnellement, on a la nette impression qu’on nous prend pour des valises, ce qui ne renforce en rien la confiance envers l’entreprise avec laquelle on fait affaires. Sur le Web, cette pratique est pire, car l’utilisateur est seul face à la contradiction et peut difficilement se laisser convaincre. Par contre, le risque est grand qu’il abandonne la transaction à cause de cette dissonnance cognitive.

Également, les pratiques commerciales et leur application (que ce soit en personne ou sur le Web) ont une emprise énorme sur la qualité de l’expérience générale. Si votre politique en tant qu’entreprise est de profiter d’une séance de signature de contrat (alors que vos clients sont captifs) pour faire un « pitch » de vente pour des assurances ou autres trucs qui sont en fait des sources de profit facile, il sera très difficile de prétendre que vous veillez à créer une expérience d’achat optimale. Si vos clients se sentent coincés et inconfortables, ce sentiment durera sûrement même quand ils seront sortis de chez vous ou de votre site Web. C’est ce qui nous est arrivés lors de l’achat de notre voiture.

Transparence et confiance

C’est probablement le talon d’Achille de tous les concessionnaires automobiles. En tant que client, on sent toujours que bien qu’on nous dise en général la vérité, on ne la révèle peut-être pas au complet. Je veux bien jouer le jeu de la négociation, mais à armes égales. La vente d’une voiture semble être un scénario bien établi par les concessionnaires, dans lequel il y a des étapes bien précises. On commence par le « conseiller », on passe par le directeur des ventes, puis ensuite la directrice commerciale pour finir avec la préposée à la livraison. Une vraie petite chaîne d’assemblage dont le but semble être de vous délester du maximum de dollars sans que vous vous en rendiez tout à fait compte. On joue beaucoup sur le prestige, les peurs, l’insécurité, etc. Lors de la signature du contrat, on a droit à la panoplie des pitchs de vente concernant les garanties prolongées, les garanties supplémentaires, les assurances de remplacement, l’antirouille, la protection de peinture, etc. Tout ça est plus ou moins subtil, mais l’accumulation rend l’expérience très lourde. On sort de là très fatigués, un peu « brainwashés ».

Leçon XU à retenir? Après plus de 15 années dans le domaine, je constate que la transparence est probablement le point le plus contentieux et le plus difficile à traiter quand il s’agit d’optimiser une expérience utilisateur. Le volonté de transparence de la part d’une entreprise ou d’un organisme provient en grande partie de son ADN, de son code génétique. Si à la base, les dirigeants et la mission n’incluent pas cette valeur et n’en font pas une priorité avec des ressources pour l’appliquer, il sera à peu près impossible de créer une expérience positive à long terme pour des clients ou des utilisateurs, peu importe le médium.

Il y a quelques années, quand j’étais en agence de pub, un client en télécom commençait à utiliser le Web pour son marketing. Voulant faire différent et utiliser le Web à son plein potentiel, nous avons essayé de leur proposer, naïvement, une approche plus transparente quand venait le temps de formuler des offres spéciales dans leurs pages Web. On m’a gentiment expliqué que leurs offres spéciales étaient formulées de façon opaque intentionnellement. Ça faisait en fait partie intégrante de la stratégie de communication. Pourquoi? Justement pour empêcher une analyse comparative de la part de la clientèle visée. En faisant en sorte de ne présenter que la part belle de l’offre, on voulait profiter du ressac émotif créé chez le client potentiel pour qu’il achète impulsivement, rapidement. Il y a une opposition insolvable entre la transparence innée d’un réseau ouvert comme Internet, avec ses médias sociaux en particulier, et l’opacité intentionnelle nécessaire à la manipulation de l’émotion qui sera toujours liée à la publicité qu’on dit « bien faite ». On voit maintenant, dix ans plus tard, que cette polarité est bien en place.